La guerre de la salade n’aura pas lieu.

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Une fois n’est pas coutume, la salade française est en crise. Au point de déclencher dans les média une véritable tempête (dans l’essoreuse européenne).

Pourtant, ce produit est un des rares à résister à la mondialisation économique car la salade est un produit frais, et fragile, qui s’exporte mal. Dès lors, il reste un des secteurs naturellement protégés du « made in France » avec une production annuelle d’environ 360 000 tonnes (la région PACA étant le premier lieu de production). A cela s’ajoute que la consommation de ce produit est assez stable et tourne aux environs de 6.9 kg par français et par an. La salade étant achetée soit en vrac soit en sachet (ventes équivalentes).

Mais le secteur traverse une « crise » bien surprenante : la météo, trop clémente, a fait pousser l’ensemble des salades françaises beaucoup trop vite.

Dès lors, le mécanisme de régulation est enclenché par les producteurs : la surproduction est broyée afin de maintenir une offre plus basse que la quantité réelle produite.

Pourtant, cela ne suffit pas à écarter la crise : les producteurs de salade, tout comme une grande partie des agriculteurs français, se plaignent d’un prix d’achat par les grossistes trop faible. Ils estiment qu’il faudrait 10 centimes de plus par salade pour couvrir « les frais de production ».

Cette situation est aberrante car elle positionne l’agriculture française comme étant le seul secteur à produire volontairement à perte. Au-delà du non-sens économique, il s’agit surtout de la marque des subventions qui permettent de maintenir en survie un secteur inadapté aux besoins des consommateurs et coupé des réalités du marché.

Cette nouvelle crise indique que le secteur gagnerait beaucoup à se détacher des financements européens mais aussi de ses habitudes traditionnelles de commercialisation : en supprimant les intermédiaires, et en vendant directement ou en se regroupant, les producteurs de salade ne paieraient plus les marges et élèveraient en même temps leur chiffre d’affaire. Ils gagneraient aussi une clientèle directe, et fidélisée, capable de payer plus cher pour un produit de qualité et dont la fraîcheur est garantie. Le consommateur bénéficierait enfin de ces circuits courts qui, de surcroît, baisseraient les prix.

Le fait de se regrouper en coopératives de producteurs pour maîtriser la commercialisation en cherchant la vente directe aux consommateurs (qui est le gage d’une meilleure rémunération pour le producteur) est une idée du siècle dernier. Elle n’a toutefois pas été retenue par un monde agricole qui, dans sa majorité, peine à s’adapter à son époque et à sortir de l’assistanat européen. Il est donc possible que la révolution de la salade n’ait pas lieu et que le siècle prochain continue à regarder mourir une filière qui, pourtant, pourrait produire de la richesse et créer de l’emploi.